Traduction de la Bible (La Critique textuelle)

Pour faire suite à la présentation des différentes versions de la Bible existantes, il me parait important d’aborder synthétiquement la notion de critique textuelle. La critique textuelle biblique, est la discipline qui permet de croiser à la fois l’archéologie (plus le manuscrit se rapproche de l’ère étudié et moins il est susceptible d’avoir subi des modifications/erreurs), l’historicité d’un texte, la qualité littéraire, les circonstances de rédaction, la comparaison entre les manuscrits et le témoignage des premiers chrétiens sur le texte en question. Pour comprendre cette notion de critique textuelle, il faut savoir qu’il existe 2 types de sources qui ont été utilisées au fil des années. A ce stade, les détracteurs de la Bible chercheront directement à prouver son infidélité, sauf que ces différentes sources ne sont que peu différentes, dans le sens où elles ne remettent pas en cause la doctrine Biblique du Salut en Jésus Christ seul, et son œuvre rédemptrice à la croix.

Ceci étant dit il faut savoir que du point de vue de l’ancien testament, les sources et les manuscrits ne sont pas discutés mais pour le Nouveau Testament, une petite nuance est à faire. En effet, pour le Nouveau Testament on parle généralement de texte reçu (ou textus receptus) et de texte critique.

1- Le Texte reçu :

Érasme de Rotterdam est le premier à avoir imprimé le Nouveau testament en grec en 1516. Ce Nouveau Testament prend pour nom Novum Instrumentum Omne et fut révisé 5 fois en 1516, 1519, 1522, 1527 et 1535. L’ensemble des manuscrits utilisés sont des Textes dits Byzantin. L’ensemble des manuscrits utilisés par Érasme sont les suivants :

Manuscrit/Codex Date Contenu et utilité
Minuscule 1eap

(Codex Basiliensis A. N. IV. 2)

XIIe s Nouveau testament entier sauf Apocalypse
Minuscule 1rk ou 2814

(Codex Basiliensis A. N. IV. 2)

XIIe s 99% du livre de l’Apocalypse
Minuscule 2e

(Codex Basiliensis A. N. IV. 1)

XIIe s Évangiles
Minuscule 2ap ou 2815

(Codex Basiliensis A. N. IV. 4)

XIIe s Actes des Apôtres , les épitres catholiques et les épitres pauliniennes
Minuscule 4ap ou 2816

(Codex Basiliensis A. N. IV. 5)

XIIe s Actes des Apôtres , les épitres catholiques et les épitres pauliniennes
Minuscule 7p ou 2817 XIIe s Épitres pauliniennes
Minuscule 817 XVe s Les Évangiles

*La VULGATE servi également à Érasme pour la traduction de certaines parties manquantes notamment, la fin d’Apocalypse

Suite à cette 1ère version ci-dessous le résumé des rééditions suivantes :

2nd édition – Novum Testamentum Omne (1519) : Dans cette version Érasme utilise un manuscrit supplémentaire qui est le « Minuscule 3 (XIIe)», qui contient l’ensemble du nouveau testament excepté Apocalypse. Certaines fautes typographiques et de lectures furent corrigées. C’est à partir de cette édition que Luther fit sa première traduction de la Bible parut en 1522 (Nouveau Testament) puis en 1534 (bible complète).

3eme édition – Novum Testamentum Omne (1522) : Dans cette version Érasme ajoute le Comma Johanneum qui vient s’insérer dans 1 Jean 5 (« 5:7 Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit ; et ces trois sont un. 5:8 Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l’Esprit, l’eau et le sang ; et ces trois sont d’accord. » ) attestant en quelques sortes le dogme trinitaire. Ce Comma est un passage à caractère apocryphe, car il n’est présent dans aucun des plus anciens manuscrits, et n’est jamais mentionné par les pères de l’église lorsque ces derniers citent 1 Jean 5 :7-8. Ce Comma est par ailleurs présent dans la VULGATE (traduction latine) et semble puiser son origine dans le Liber Apologeticus (IVe s) de Priscillien. A ce propos, Érasme utilisa un manuscrit supplémentaire qui est le seul qui comprend le Comma Johanneum, le Codex Montfortianus ou minuscule 61 (XVIe s), et qui contient également l’ensemble du nouveau testament. C’est cette version qui sera le cœur du Texte reçu et qui sera utilisée par :
• William Tyndale pour son English New Testament (1526)
• Robert Etienne (STEPHANUS) pour son « Nouveau Testament Grec, « O mirificam » (1546 à 1549)

4eme édition – Novum Testamentum Omne (1527) : Dans cette version Érasme reprend une grande partie de l’Apocalypse. Elle reste très porche de la 3eme édition.

5eme édition – Novum Testamentum Omne (1535) : Cette version ne diffère que de 4 passages par rapport à la 4ème version.

Par conséquent, on peut globalement dire que le Texte reçu correspond à ces éditions d’Érasme qui sont basées sur les manuscrits datant du XIIe siècle ainsi que sur la Vulgate latine pour les parties manquantes. Les Bibles les plus célèbres ayant pris le texte reçu comme texte source sont la King James Bible, la Bible de Genève de Calvin, la Bible de Pierre Robert Olivétan et la Bible Ostervald.

2- Le Texte critique :

La notion de « critique » apparaît suite à la réflexion de Constantin Von Tishendorf (CVT), un historien chercheur qui était convaincu de l’insuffisance du texte reçu, et des erreurs qui pouvaient s’y trouver. Constantin, alors expert en palimpseste (manuscrit constitué d’un parchemin déjà utilisé dont on a fait disparaître les inscriptions pour pouvoir écrire à nouveau), effectua plusieurs voyages à travers l’Europe, à la découverte de manuscrit. Il découvrit notamment le célèbre Codex Sinaïticus (voir Origine de la Bible). En 1840, il décida de sortir une édition du Nouveau Testament selon les principes suivants :

Celui-ci fit plusieurs éditions de son Nouveau Testament jusqu’à aboutir au « Novum Testamentum Graece » en 1849 qui sera révisé en 1859 (Septima) puis en 1878 (Quinta).

En 1881, Brooke Foss Westcott et Fenton John Anthony Hort (W&H), 2 théologiens britanniques, établissent la distinction entre les 4 types de textes existants dans les manuscrits : Texte Occidental, Texte Byzantin, Texte Alexandrin, Texte Césaréen et retiendront le codex Vaticanus et Sinaïticus qui sont des Textes Alexandrin. Ils sortent alors « The New Testament in the Original Greek » en 1881.

En 1882, Richard Francis Weymouth, docteur en littérature et baptiste anglais, se consacre également à la critique textuelle en se basant sur le travail de W&H, de CVT et d’autres auteurs puis sort « The Resultant Greek Testament » en 1882, qui sera un des textes les plus importants en matière de critique textuelle au 19è siècle.

En 1898, Eberhard Nestle, un docteur en linguistique hébraïque et grecques, combine le travail de CVT, de W&H, de Richard Francis Weymouth puis sort le « Novum Testamentum Graece apparatu critico ex editionibus et livris manus scriptis collecto ».
Son fils Erwin Nestle continuera le travail de son père, en ajoutant quelques manuscrits issus des recherche archéologique, puis sortira le Novum Testamentum Graece 13th edition en 1927.

Kurt Aland, un théologien allemand, ajoute les nouveaux manuscrits trouvés à la demande de Erwin Nestle, à savoir Minuscule 33, Minuscule 614 et Minuscule 2814 puis sort le Novum Testamentum Graece 25th edition en 1963. Cette période marque la nouvelle appellation de Nestle-Aland Novum Testamentum Graece (NA).

Aujourd’hui, un comité spécifique, Editio Critica Maior (1959) au sein de la United Bible Society (crée en 1946), est en charge de la révision du Nestle-Aland Novum Testamentum Graece suite aux récentes découvertes archéologiques. La dernière version à date du Novum NA Novum Testamentum Graece est la 28ème édition (2012) et correspond globalement au texte critique.

Par ailleurs, Kurt Aland et Barbara Aland ont mené une étude comparative entre plusieurs versets libres des différentes version du NT, allant de celle de CTZ jusqu’à la NA, et ont relevé qu’au moins 2/3 des versets du Nouveau Testament sont en parfait accord. Suite à ces études de précision, plusieurs traducteurs ont préféré se référer au texte critique plutôt qu’au texte reçu. La majeur partie de nos bibles actuelles se basent sur le texte critique (voir Les différentes versions françaises).

Dans le cadre du fruit qui demeure, cet article permet de prendre connaissance de l’origine de notre Bible, des artisans qui ont œuvré pour la recherche des manuscrits et leurs conservations, et également de remercier notre Seigneur en cela. Par conséquent, nous pouvons être assuré que le texte que nous avons entre les mains est la parole de Dieu qui a pour but d’amener l’homme à la repentance et à la glorification de Jésus-Christ (que ça soit texte reçu ou texte critique).

Sources :

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2 réponses à « Traduction de la Bible (La Critique textuelle) »

  1. […] est un humaniste d’époque, un féru de la Bible, qu’il étudie notamment via la version d’Erasme, à la recherche des origines du dogme catholique en 1506 suite à son ordination. Celui-ci se met […]

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  2. […] Par ailleurs, la notion de texte reçu et texte critique est abordé ICI. […]

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